Sur la place publique, dans les médias, le travail et la recherche scientifique, la nécessité de prendre du recul sur notre propre fonctionnement intellectuel se diffuse aussi largement que les promesses et les menaces de l’intelligence artificielle. Cette préoccupation n’est pourtant pas récente, loin de là, puisque Socrate se serait inspiré de la fameuse devise inscrite au frontispice du Temple de Delphes : « connais-toi toi-même… ». Montaigne a ensuite fait de l’auto-connaissance le pilier de sa pensée avant que les Lumières prennent pour devise « savoir se servir de son propre entendement… ».
Comprendre la réflexivité
Cette suggestion multiséculaire, augmentée aujourd’hui, de la prise de conscience de son propre fonctionnement prend différents noms dans la littérature.
- La réflexivité représente la capacité à réfléchir sur notre vécu intellectuel, émotionnel et comportemental.
- La métacognition concerne nos connaissances sur notre propre pensée : c’est une sorte de « cognition au 2ème degré » en quelque sorte.
- Les stratégies d’autorégulation, sous un angle plus fonctionnel, décrivent les façons dont nous gérons nos comportements, nos environnements et nos pensées, par exemple pour apprendre et développer nos compétences. Un exemple récent de stratégie majeure de régulation de notre fonctionnement intellectuel est la capacité à inhiber certains de nos automatismes de pensée préjudiciables face à certaines informations ou stimuli de nos environnements…
Qu’on l’appelle réflexivité, métacognition, capacité d’autorégulation ou d’inhibition, cette dimension sociale et professionnelle du fonctionnement humain peut devenir un atout majeur sur la scène contemporaine.
Sans doute d’abord pour prendre conscience des biais cognitifs qui nous font « penser faux » ; pour défendre une « école du doute[1] » dans un monde ou fake news, chasse aux scoops et manipulations plus ou moins habiles de l’information freinent la diffusion du juste et du vrai ; pour développer ses propres compétences d’analyse critique, ses habitudes de documentation ou encore sa méthodologie de travail, ou encore pour « apprendre à mieux apprendre » par soi-même…
Outil de développement professionnel et pédagogique, la réflexivité sous ses différentes facettes fait partie du top 10 des soft skills à développer d’ici à 2027[2] et à privilégier dans la société de l’information, et les organisations qui se veulent apprenantes.
Dans le contexte de la formation professionnelle, l’enjeu principal est de préparer les adultes à devenir des apprenants à vie et des membres actifs de la société, capables de contribuer de manière significative à leurs communautés professionnelles et personnelles.
En misant sur la réflexivité individuelle et collective, Paradoxes valorise un paradigme essentiel, celui de l’esprit critique pour favoriser un apprentissage actif et collaboratif mais aussi comme rempart contre les pièges de la pensée unique et formatée, afin d’équiper les professionnels face aux défis de l’ère de l’information.
[1] Romainville, M. (2023). À l’école du doute: Apprendre à penser juste en découvrant pourquoi l’on pense faux. Paris : PUF.
[2] « Future of Jobs », rapport 2023 : https://www.coorpacademy.com/blog/learning-innovation/le-top-des-soft-skills-a-developper-dici-a-2027-future-of-jobs-rapport-2023-du-world-economic-forum/