Quels sont les enjeux les plus prégnants pour les organismes quant à Qualiopi ?
Le maintien de la démarche dans la durée
Lors des audits de surveillance, on constate une augmentation du nombre de non-conformités par rapport aux audits initiaux. La surveillance intervient 18 mois après l’obtention de la certification, ce qui est un temps plutôt long, et faire vivre sa démarche dans la durée constitue une difficulté. Pour un certain nombre d’organismes, on voit que ce qui a été mis en place pour le premier audit n’est pas entré dans les pratiques et peu de choses ont évolué au moment de l’audit de surveillance.
L’importance d’une direction impliquée
Il y a une vraie corrélation entre l’engagement de la direction sur Qualiopi et le succès de la démarche : on constate lors des audits que les organismes qui ont réellement impliqué la direction et les équipes dans la démarche Qualiopi ont beaucoup moins de difficultés. En revanche, quand la démarche est portée par le seul responsable qualité, cela est plus compliqué : l’auditeur détecte assez vite les situations où Qualiopi serait un sujet annexe et non-prioritaire pour l’organisme.
Les indicateurs les plus à risque en audit de surveillance
Il n’y a pas vraiment d’indicateur qui pose plus de difficulté qu’un autre, on retrouve un peu de tout dans les non-conformités constatées. Lors des audits, il est difficile pour les organismes d’avoir la traçabilité des actions, par manque d’outils et de ressources dédiées à la démarche. On voit qu’elle n’est pas intégrée aux pratiques et que ça ne vit pas.
Pour donner exemple, on voit souvent des écarts sur la mise à jour des informations sur le site ou dans les programmes concernant les indicateurs de résultats[1]. Cela est souvent dû à des oublis, ça peut également être lié à l’activité de formation : lorsqu’un organisme a eu peu de clients depuis l’audit initial, il dispose de moins d’éléments pour mettre à jour ces informations.
En tant qu’organisme certificateur habilité à délivrer la certification Qualiopi, quel retour d’expérience pouvez-vous faire 3 ans après la mise en place de la certification Qualiopi ?
Le mythe de la sélection des organismes de formation par la certification
Lorsque Qualiopi a commencé, on a beaucoup parlé de « tri », en pensant que beaucoup d’organismes n’obtiendrait pas la certification et que le nombre de prestataires allait diminuer significativement. On constate aujourd’hui que ça n’est pas le cas. Tout le monde arrive à avoir Qualiopi, il n’y a pas eu la « sélection » anticipée au début.
En revanche, l’audit de surveillance permet de faire un contrôle nécessaire. On le voit d’ailleurs avec le nombre de non-conformités observé par rapport aux audits initiaux. Ils permettent d’identifier les prestataires qui ne respectent pas le référentiel.
Après 3 ans, on voit aussi des organismes qui font le choix de ne plus être Qualiopi : certains organismes ferment ou arrêtent leur activité de formation au profit d’autres activités de leur entreprise.
Des modalités de contrôles renforcées
Aujourd’hui, de nouvelles dispositions sont mises en place pour renforcer les exigences. Les dispositions pour les nouveaux entrants sont consolidées par exemple : ils doivent désormais avoir entamé une formation pour pouvoir passer l’audit initial et ils font l’objet d’un audit de surveillance plus conséquent qu’auparavant.
L’arrêté du 30 mai 2023 nous permet aussi d’avoir plus de moyens d’investigation : nous demandons plus d’informations avant les audits, nous avons plus de renseignements sur l’organisme en amont, que l’on transmet à l’auditeur. Cela permet de recouper et de confronter les informations, d’avoir des faisceaux d’indices lors des audits. On peut également demander des audits complémentaires plus facilement si cela semble nécessaire.
Une évolution des pratiques
Pour les organismes qui restent dans Qualiopi (la majorité des certifiés), le constat est positif : on voit quand même qu’il y a une réelle appropriation du sujet. Ils commencent à voir les enjeux et les bénéfices de la certification, qui leur a permis de formaliser leurs process, de gagner en efficacité et de mettre en place une vraie démarche d’amélioration continue.
Selon vous, quelle est votre vision des évolutions de la certification ?
Aujourd’hui on est en attente d’une nouvelle version du guide de lecture pour la VAE qui devrait sortir, et une seconde évolution du guide devrait suivre pour tenir compte de la sous-traitance.
Il y a également un décret sur la sous-traitance concernant uniquement les organismes du CPF qui devrait paraître, mais on ne sait pas encore quand.
Concernant l’évolution de Qualiopi, on pourrait imaginer un rapprochement des contrôles pour éviter d’avoir un vrai « trou dans la raquette », car un audit de surveillance après 18 mois, c’est assez long. Je pense qu’il faudrait passer à un contrôle annuel. Il y a aussi un enjeu sur le contrôle mené par les financeurs, en termes de mutualisation des contrôles et de convergence des pratiques.
Sur le point de la sous-traitance, on pourrait imaginer que ça soit étendu à tous les OF et pas seulement pour les organismes du CPF. Le business model des prestataires de grande taille ou de taille intermédiaire repose beaucoup sur la sous-traitance, et il y a un enjeu à cadrer le pilotage et la coordination de la démarche qualité dans la relation avec les sous-traitants.
Propos recueillis par Telma Khecha en septembre 2023